La Révolution et l'Empire

Sa fonction vaut à Jean-François de Conny d’organiser la convocation des États-généraux de la province en 1789, dans l’église des Augustins, d’ailleurs non loin de son hôtel. Dans ses mémoires, Alexandrine des Écherolles rend un hommage appuyé au courage du magistrat qui sauva la tête de son père en août 1792 :

« Nous dûmes le bonheur de ce triomphe à M. Conny de la Faie, président du tribunal, homme d’un mérite rare, d’une probité reconnue, digne en tout de la place qu’il occupait, et jouissant de l’estime générale. Cet intègre magistrat éleva sans crainte sa voix éloquente en faveur de l’innocente victime déjà désignée pour le sacrifice… ».

N’ayant pas émigré, il est inscrit sur la liste des suspects pendant la Terreur et incarcéré le 9 novembre 1793, tandis que son hôtel est, avec un certain nombre d’autres résidences moulinoises, pillé dans la nuit du 21 au 22 octobre. Il le retrouve dès sa libération le 28 janvier 1794 et sera nommé président du district de Moulins après la réaction thermidorienne. Son petit-fils, Jules-Édouard, a décrit l’atmosphère qui régnait alors à l’hôtel de Conny :

« Les violentes émotions ressenties pendant sa captivité laissèrent dans son âme une ineffaçable empreinte, et jamais il ne songea plus à reprendre ses fonctions de magistrat. Du reste, ses yeux étaient devenus mauvais et pour conserver sa vue, il restait le soir loin des lumières. Bien souvent, mon père et ma tante racontaient comment dans leur jeunesse se passaient les longues veillées d’hiver. M. et Mme de la Fay assis chacun dans leur coin de cheminée : derrière eux un paravent, en arrière du paravent un guéridon portant la lampe, à la lueur de laquelle étudiaient Clémentine et Félix. Ces enfants ne voyaient guère le feu…»

On possède un livre de comptes de Jean-François de Conny, tenu de 1787 à 1805. Aucune inscription n’y est portée entre celle du 19 juin 1793 et celle du « 2 floréal » de l’an II (21 avril 1794), ce qui correspond à sa période d’incarcération. La seule inscription qui intéresse des travaux dans l’hôtel est celle du 5 août [17]92 : « J’ay fait prix de mon placard qui sera placé dans mon cabinet au rez de chaussée en excellent bois de chene sans y mettre aucun bois blanc les rayons le fond tout en chene bien conditioné a trois portes a cent cinquante cinq francs les ferrements seront payés par moy et ne seront point à la charge du sieur vacher menuisier avec qui j’ay fait le dit prix ».

Le dimanche 4 septembre 1803 (17 fructidor de l’an XI), Jean-François de Conny achète à « Dame Jeanne Rambert veuve de Jean Roguère demeurant à Paris rue de Condé n°10 », un ensemble immobilier attenant à l’hôtel de Conny. « C’est à savoir toutes les maisons, ecuries et emplacements situés en cette ville de Moulins, appartenant à la dite dame Rambert qui a leur principale porte d’entrée dans la dite Rue de Bourgogne et trois autres portes sur le derrière donnant sur la rue des Augustins, joignant d’une part les maisons au citoyen Conny La Fay et d’autre part la maison des héritiers de Claude Saulnier notaire à Moulins… » avec effet rétroactif au six messidor dernier, « en conséquence à compter de la dite époque tous les loyers appartiendront à l’acquéreur ». Il ne peut s’agir que des emplacements situés à l’est de l’hôtel, c’est-à-dire à partir de l’actuel n° 30 bis de la rue.

Jean-François Conny de la Fay achète, également en 1803, le château de Villard à Villeneuve-sur-Allier. Il semble alors délaisser sa résidence moulinoise, apparemment partiellement louée pendant une partie de l’Empire, mais il possède encore son adresse à l’hôtel à la fin de l’Empire, et meurt en novembre 1817.

À compter de l’époque où Jean-François réside à Villars, l’hôtel de la rue de Bourgogne est habité par son fils aîné Jean-Baptiste, ancien élève de l’Ecole polytechnique, ainsi qu’en témoigne une lettre de son fils benjamin Félix, adressée de Nîmes en 1807 à « Monsieur / Monsieur de Conny de la Fay fils, ancien officier d’artillerie, rue de Bourgogne à Moulins, département de l’Allier ». Mais Jean-Baptiste ne supporte pas la mort de leur frère puiné, Jean-Louis Eléonore dit La Tour, des suites de ses blessures à la bataille des Arapiles en juillet 1812. Mis sous tutelle, il vivra désormais à Paris.

 

Félix de Conny, (ill.) le benjamin, ne semble pas avoir résidé dans l’hôtel après cette date. Il vit au château de La Toule, à Saint-Félix (Allier), poursuit une carrière administrative comme sous-préfet de Lapalisse, puis entre en politique. Élu député et siégeant parmi les ultra-royalistes dans la dernière législature du règne de Charles X, ami de Chateaubriand, il est l’un des principaux financeurs de la presse légitimiste sous la Monarchie de Juillet. Il aura quatre fils : Ernest, avocat promis à une carrière brillante, mort à vingt-six ans, défenseur de la duchesse de Berry ; Léopold ; Adrien ; et Julien-Édouard, sculpteur estimable, élève d’Étex, intime de Corot et de Rossini. 

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